Amo Achille : « Il n’y a personne au monde qui kiffe ma musique plus que moi »

Quelques années après avoir sorti ses premiers morceaux qui sentaient bon le hip-hop infusé à la culture anglaise, Amo Achille est de retour avec Mistress, un nouveau projet aux influences hybrides. On en a profité pour longuement discuter de sa vision de la musique et de ce qu’il avait envie de transmettre à travers ce projet !

Amo Achille
©Jef Claes

On avait découvert Amo Achille en 2017 au détour d’un freestyle sur Lowkey Radio où il reprenait en partie son morceau Boyz In The Yard et où on pouvait directement ressentir les influences grime d’outre-Manche. S’en est suivi un deuxième morceau, No More, qui confirmait tout le bien que l’on pensait de lui et qui laissait clairement entrevoir un bel avenir à ses projets futurs. Mais cette suite s’est un peu fait attendre et on a fini par le perdre un peu de vue jusqu’à son retour avec le morceau Innocence. Un morceau qui donne autant envie de se déhancher sur la prod que de se poser et réfléchir aux paroles du morceau qui évoquent la disparition de l’innocence chez Amo Achille : « je pense que j’ai ouvert mes yeux trop tôt sur des choses que je n’aurais pas dû connaître si jeune. J’aimerais bien me réveiller certains matins et me dire que tout va bien, mais c’est plus possible de revenir là-dessus ».

Et après appuyé sur play, on a directement compris le silence qui a suivi ses premiers morceaux tant ce premier extrait de son album Mistress sonne différemment. Un long chemin qui lui a permis de trouver un son qui lui ressemble vraiment et qu’il est maintenant prêt à partager avec le public : « Pour moi, la vie elle est constamment en train de changer. Tu peux rester dans la même ville, tu peux avoir le même groupe de potes, mais tout change tout le temps. J’ai beaucoup d’influences depuis que je suis tout petit, j’ai grandi en écoutant beaucoup de styles de musique différents, j’aime trop explorer des genres différents ».

Le clip d’Innocence a été réalisé à distance, COVID oblige, par le réalisateur italien Simone Brillarelli, qu’il a découvert un jour en se perdant dans les méandres de YouTube. « Je trouvais que son travail, ses animations allaient très bien avec le son. J’étais tout seul à la maison en train de m’enregistrer, c’est comme si je faisais un tik tok. Je trouvais même ça un peu bidon, mais je savais que le résultat serait bien, du coup je lui ai envoyé toutes les vidéos et il a tout édité ».

Un changement de sonorités et d’ambiances qui ne lui a pas pris tant de temps dans la conception (son album est prêt depuis plusieurs mois déjà), mais il a préféré laisser mûrir son album et attendre que le public belge soit prêt à le recevoir : « Je voyais qu’en Belgique personne ne faisait ça et c’est un son que j’aime bien. Ca arrivait aussi qu’on se trouve dans des soirées où on entendait ce genre de musique, mais qu’en Belgique personne ne se lançait, du coup je me suis dit ok, cool, pourquoi pas moi. C’est une expérimentation qui a bien tourné et qui a attiré l’attention des labels ». Il y a quelques années, l’artiste anversois The ColorGrey avait poussé pour le signer sur son label Corner Vibe Records, qui fait partie de l’ogre Warner Music : « C’était intéressant, c’était une aventure (très courte), mais quand même super intéressante ». Maintenant, il s’est entouré d’un label indépendant (Skipp Skapp Entertainment), qui l’a aidé à mettre en place son nouveau projet. Une structure à taille humaine qui colle finalement bien avec le Amo Achille que nous avons rencontré. « Ils sont là, ils m’encadrent bien, ils font en sorte que tout se passe bien dans tout ce qui n’est pas le côté créatif aussi. C’est des gens avec qui je m’entends très bien, il y a une bonne synergie entre nous. Pour moi, ça a beaucoup plus de sens que de travailler avec un label où tu ne vois jamais le patron ».

Pour son album Mistress, Amo Achille a préféré travailler tout seul pour ne pas dévier de l’idée qu’il avait en tête : « c’était vraiment une sonorité que je recherchais et je voulais que ça sonne comme un film parce que c’est aussi un peu comme ça que je vois la vie. Je suis comme un spectateur qui regarde ce qui se passe autour de moi ». Travailler seul lui a aussi permis de prendre son temps et de ne pas se focaliser uniquement sur ce projet « J’ai travaillé sur cet album pendant presque deux ans et en même temps, je travaillais sur d’autres sons que je savais que je ne garderais pas pour ce projet ». Il a aussi pu travailler sur son style en constante évolution : « Je n’aime pas la stagnation et rester dans le même trip tout le temps donc tout ce que je peux absorber, tout ce que je peux prendre, toutes les collaborations que je peux faire et où je peux apprendre et échanger avec quelqu’un, je suis toujours partant ». Et comme à tout perfectionniste qui se respecte, son entourage a dû lui dire stop. Son label l’a envoyé au Japon pour tourner un clip et à son retour, il était enfin prêt à lâcher prise, mais il a aussi senti que le public était enfin réceptif : « Je pense que si je l’avais sorti il y a deux ans, quand j’avais tous les sons en démo, je pense que ça aurait été trop tôt pour ce style de musique. Là, je pense que c’est le bon moment. Maintenant que tout se mélange, qu’il n’y a plus vraiment d’étiquettes, que les limites sont floues ».

En préparant cet album et sa sortie, il nous a avoué moins ressentir la pression qu’auparavant, le fait de penser sa musique pour lui avant de la penser pour le public doit probablement jouer ici : « J’ai l’idée qu’il n’y a personne au monde qui kiffe ma musique plus que moi. Ça me bouge et c’est ça le plus important pour moi et puis quand je vois que ça fait bouger les gens, je me dis pourquoi pas le sortir pour que d’autres gens puissent ressentir ce que je sens ».

Mais s’il y a bien quelque chose qui va lui manquer, c’est de pouvoir le défendre sur scène dès sa sortie : « Ça m’embête vraiment parce que cette fois-ci, je voulais vraiment me donner dans les live. Avant, je n’ai pas vraiment eu l’opportunité de vraiment produire un live show qui me représentait ». Sans toutefois oublier de voir le côté positif à cette situation : « le monde est un peu silencieux et enfin on peut juste laisser la musique parler pour les artistes. Tous les artistes ne sont pas sur le même pied d’égalité, surtout quand on parle de live et cette période où tout ralentit permet à tous les artistes d’être sur le même pied d’égalité ».

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