On a récupéré la bio de PIAS présentant Planet, le nouvel album du pianiste, dans le but d’en développer certaines formulations. Qui de mieux placé pour essayer de comprendre l’artiste que l’intéressé lui-même ?
As-tu une personnalité riche et contrastée, qui allie l’empathie naturelle et l’ambition ténébreuse ?
C’est pas des choses qu’on peut dire de soi-même. C’est comme quand tu fais un test de personnalité, à la fin tu as un résultat qui sort et tu as l’impression que c’est toi, mais jamais tu vas dire : « ouais c’est vrai que je suis hyper sensible et en même temps je suis ambitieux… » C’est donc pareil, je me retrouve grave dans ces mots, mais ce n’est pas à moi de le dire.
Est-ce qu’une hargne et une passion émotionnelle t’animent en permanence ?
De ouf, tout le temps. La hargne c’est mon moteur depuis que je suis petit. La hargne, c’est ce qui me permet d’aller chercher des choses qu’on n’a pas forcément voulu me donner dans la vie. Dans la création, c’est ce qui me permet d’aller loin dans l’exploration des émotions.
Muses, personnalités mystérieuses et bandits s’inspirent-ils les uns des autres ?
Si tu regardes des films de gangsters, si tu regardes des films comme Scarface ou Le Parrain, ce sont des films où y’a toujours différents personnages qui sont là. Ce que j’aime dans les personnages mystérieux, c’est que t’as envie de connaître leurs secrets et le fait de pas réussir à les percer au grand jour, c’est ce qui les rend forts. Sur le mystère ça me parle. Le côté bandit, c’est la liberté de pas forcément suivre les règles qu’on nous a données. C’est quelque chose que j’applique au piano. Si j’avais pas eu le piano, je pense que j’aurais essayé de percer dans le banditisme. Y’a une créativité qui existe dans le fait d’essayer de ne pas respecter les règles qu’on t’a données et donc là je suis très content d’être dans la légalité, mais c’est quelque chose que je ressens fort dans mon parcours au piano.
Est-ce que tu imposes avec poésie un regard gentleman ?
C’est à toi de me le dire… Dans tout ce que je fais dans ma vie, j’essaie de mettre de l’esthétisme. J’essaie de mettre de l’élégance. Je n’ai pas envie de faire quelque chose sans ce côté des grandes œuvres qui m’ont inspiré que ce soit au cinéma, dans la poésie ou les livres. Pour moi, avoir un regard gentleman sur la vie, c’est avoir un regard esthétique, un regard qui garde son élégance en toutes circonstances.
Malgré le poids de l’histoire, y’a encore moyen de produire de grandes œuvres ?
Je pense qu’il est normal de passer par ce questionnement, d’être juché sur des épaules de géant. L’histoire est un fardeau qui est énorme, alors qu’est-ce qu’on en fait ? Soit on est complètement inconscient et on a des influences sans savoir d’où elles viennent et donc on crée sans savoir, c’est une manière de faire que tu choisis pas forcément. Soit tu passes par l’étape d’apprendre et de faire en fonction de ce que tu as appris. C’est mon cas. J’ai appris beaucoup et j’ai ensuite tout désappris. De là j’ai réussi à retrouver ma liberté. Je sais très bien que mes œuvres n’auraient pas été les mêmes si je n’avais pas étudié du Chopin, du Debussy, du Ravel… Si j’avais pas vu certains films qui m’ont marqué. Et je suis trop heureux d’avoir tant d’années d’art et de grandes œuvres derrière nous. Je suis trop heureux d’être à mon époque. Et la facilité d’accéder à toutes ces œuvres là avec internet, c’est trop bien.
Ça donne pas trop le vertige ?
Si. Je fais partie de ceux qui ont eu un gros parcours de formation. La formation en général, c’est pas ce qui donne la liberté. Au bout d’un moment ça devient tellement lourd qu’on fait en fonction de ça et qu’on a du mal à se retrouver soi. Je suis passé par une étape où j’ai dû tout brûler pour pouvoir m’en libérer. C’est aussi pour ça que j’ai pas voulu faire mon premier album solo trop tôt.
Ta musique est-elle atemporelle ?
Je fais tout pour qu’elle le soit parce que j’ai grandi avec des œuvres qui l’étaient déjà. J’ai grandi en travaillant avec les œuvres de personnes décédées. Atemporel on peut pas le dire de son vivant, mais je fais en sorte qu’elles le deviennent. On hérite d’un patrimoine et on se construit en fonction de cet héritage.
Ton monde te paraît-il tant grandiose que dépeuplé ?
Evidemment. Enfin évidemment… évidemment mon monde me paraît tant grandiose que dépeuplé. Quelle question ! (rires) Question suivante… Non ça c’est quelque chose qui se ressent fort dans les clips. On a à chaque fois des univers où y’a un personnage à l’écran dans des décors complètement vides et ça m’inspire beaucoup parce que ça crée du contraste entre l’immensité d’un paysage et la solitude d’un personnage dans ce paysage. La réponse est dans les clips.
As-tu réalisé une œuvre complète ?
Avec Planet j’ai cette impression. Je suis très fier de ne pas avoir l’impression qu’il y a un morceau de trop dans cet album. Je ne regrette pas. Ca c’est un risque en tant qu’artiste. Je suis très fier de l’extension sur le visuel, tout le graphisme qui a été créé autour de cet album, et ça se ressent aussi sur les clips. Pour moi ça forme une œuvre complète.
Tout ce qui nous entoure nous permet-il d’exister ?
Je pense qu’on existe en comparaison à quelque chose, en fonction d’un repère. Si on était seul dans l’immensité complètement vide, le sentiment d’existence serait plus dur à réaliser. Je pense que ça, c’est évident pour tout le monde, mais en ce qui me concerne, je ressens très fort les énergies autour de moi, peu importe où je vais. Je suis tributaire de ça. J’ai appris à le gérer avec le temps, mais au départ c’était trop d’un coup. Je ne savais pas quoi faire de toute l’énergie que je percevais. Là j’ai réussi à en faire une force parce qu’en studio j’arrive à utiliser cette énergie pour tout de suite créer. Un rappeur arrive avec tout un monde en lui et il m’en parle, je le ressens sur ses épaules, je vais réussir alors à le traduire en musique. C’est ma manière de me libérer de cette hypersensibilité. Je ressens des grandes choses donc j’existe.