Ces 10, 11 et 12 août s’est déroulée la 4e édition du festival Château Perché. C’est dans le magnifique domaine du Château d’Avrilly, en Auvergne–Rhône-Alpes, que ce joyeux regroupement de saltimbanques maîtres de la fête à rallonge, avec un grand F, a choisi de prendre ses quartiers.
L’équipe de LifeStage, toujours à l’affût des bons plans, des grandes découvertes et des expériences festives un peu mystiques, s’est frayé un chemin jusqu’en terre Frouze. L’objectif : voir si la bonne réputation naissante de cette petite sauterie était méritée, et vous revenir avec un récit d’aventures alléchant en cas d’expérience concluante, histoire de vous donner envie d’honorer nos voisins de l’hexagone de votre présence lors des prochaines éditions.
Nous quittons donc Bruxelles le jeudi 9 à la tombée de la nuit, installés à 4 dans une Corsa 3 portes, avec plus de déguisements dans nos valises que de vêtements et de matériel de camping. Trajet sans encombre, 600 kilomètres de franche rigolade, arrivée à Trévol vers 3 h 30 du matin. Notre contact sur place nous informe qu’on pourra accéder au camping dès notre arrivée, et qu’on n’aura pas à dormir comme des gueux sur le bord de la route. Tout bon.
On quitte la départementale et on s’arrête pour une pause pipi avant de s’enfoncer dans un chemin de campagne noir comme l’As de Pique, au bout duquel on aperçoit, au loin, quelques faisceaux lumineux qui nous confirment qu’on touche au but. En levant les yeux de notre faisceau d’urine pour regarder vers le ciel, on tombe nez à nez avec un ciel étoilé que les rats des villes que nous sommes n’avaient plus vu depuis des années. Retour en enfance, premier gros émerveillement du weekend, les astres s’alignent, on va être bien, on le sait.
À notre arrivée aux portes du site, on découvre que les choses ne se passent pas aussi bien pour nos hôtes : « Transverberare », la cérémonie d’ouverture grandiose prévue ce soir-là, a été annulée sur ordre de la préfecture pour des détails de sécurité. C’est l’occasion de nous rendre compte que la valse des organisateurs d’événements avec les autorités publiques, faite de compromis sans compromission et de coups de pute, n’a pas de frontière.
On est tout de même confiants quant à la dinguerie qui nous attend pendant les jours suivants et on prend nos quartiers dans le camping. Après une petite promenade de repérage pour situer les quelques essentiels (douches, chiottes, point d’eau, chill zone, etc.), on regagne nos tentes en se maudissant d’avoir voyagé un peu trop léger et de ne même pas avoir une bière de la victoire à craquer avant de se mettre au lit. Sans trop d’espoir, on tente le tout pour le tout et on demande à nos voisins de tente s’ils n’ont pas une bière à nous dépanner, à charge de revanche. Le mec nous sort une bouteille de 75 cl de Chouffe encore fraîche, qu’il nous assure de bon cœur… Pour un groupe de Belges qui s’étaient faits à l’idée de se taper de la Heineken et de la 1664 pendants 3 jours, c’était un peu comme rencontrer le Père Noël sur un traîneau tiré par 8 lapins de Pâques.
La première journée démarre au calme. On découvre les douches, qui sont en fait une rangée de 20 à 30 pommeaux suspendus à une longue traverse au-dessus d’un plancher en palettes, à l’air libre, mixtes et sans séparations, et qui nous donnent un aperçu de l’atmosphère bienveillante qui règne sur le festival. Se douche à poil qui veut, personne ne se mate avec envie ou ne se dévisage avec dédain, les gens sont, c’est tout, et c’est cool.
On découvre aussi l’Arbre Perché, une sorte de coin de paradis ombragé, décoré avec soin, qui abrite une zone chill faite de mobilier en palette et de récup’, dans laquelle on peut trouver des jeux de société, un salon de thé, un salon de massage improvisé, un coiffeur, une friperie à prix libre, un bar à déguisements pour les perchés les plus démunis, un salon de tattoo (par lequel on est tous passés), et surtout sous lequel les fêtards en début ou en bout de course vont s’échouer avant de repartir de plus belle.
On fait notre première entrée sur le site en début de soirée, affublés de nos splendides masques faits maison et nos plus belles djellabas, après un pique-nique aux vrais airs de vacances dans un village proche et une galère sans nom pour revenir jusqu’au camping et y rentrer avec l’alcool rapporté.
On découvre un univers de déambulation permanente dans les bois, au bord d’étangs magnifiques, entre les bâtiments du château, la scénographie est soignée, le son est propre, chacune des scènes a son propre univers. C’est comme une dizaine de petites fêtes qui en forment une grosse. On passe d’un petit bosquet au bord d’un étang où 50 personnes dansent sur de la disco à une clairière bordée de platanes où un système son du feu de Dieu distille de la grosse deep. La scène techno est nichée sur un radeau qui flotte sur un long bassin rectangulaire au bout duquel se trouve le château majestueux. On tombe sur une salle qui devait servir d’écuries et dans laquelle des djs anglais balancent du funk, de l’afro-beat et de la jungle, on traverse un pont et on atterrit sur un immense tatami qui accueille une scène qu’on pourrait qualifier « d’expérimentale » où tout le monde danse pieds nus, entouré de petits salons, d’un futon géant… Chaque fois qu’on pense être arrivés au bout, on tombe sur une nouvelle scène, un nouveau recoin, et quand on rentre enfin au camping vers 8-9 heures du mat’ (sachant que le son continuait jusqu’à midi) on réalise qu’on n’a pas encore vu les 11 scènes qu’accueille le festival.
Cette première soirée/nuit/matinée de festival se termine par un naufrage sous l’Arbre Perché et la rencontre d’un groupe de Françaises barjos mangeuses de crottes de nez, et notre état au moment où on finit par sombrer, certains sous la tente, d’autres sous l’arbre, est à mi-chemin entre le beau et le pathétique. Il faut dire qu’on a pas mal carburé aux pintes de Chouffe troquées au bar contre les quantités dingues de gobelets réutilisables que les perchés abandonnaient un peu partout.
La journée du samedi est un peu dure, une petite séance de tattoo, une ou deux siestes et un crapuleux sandwich de produits du terroir nous remettent plus ou moins sur pieds pour le chapitre 2 : belle époque. On investit le site dans nos costumes d’apparat, en s’attendant à vivre une nuit un peu moins folichonne que la veille… Des clous !
On tombe sur une scène encore inconnue depuis laquelle le DJ balance une playlist 100 % hip-hop féminine de derrière les fagots : un petit vent de fraîcheur après avoir principalement bouffé de la house et de la techno. On atterrit devant un live de new wave totalement décalée interrompu par une coupure de courant pendant laquelle un orchestre qui attendait son tour de scène entame une impro. Le voyage continue. On assiste au lever du soleil en dansant comme des tarés devant un set d’acid qui aurait fait bouillir un sceau de piles alcalines, et il doit être pas loin de midi quand on regagne le camping, pour de nouveau aller mourir sous l’Arbre, entourés de dizaines de nos congénères.
On reprend la route vers la Belgique début de soirée, avec l’impression d’avoir vécu une seule longue journée passée en un claquement de doigts. Le temps de se taper une pizza dans un petit village histoire de se remettre de nos émotions et on repart pour un trajet de nuit. On fait tous nettement moins les fiers qu’à l’aller, d’ailleurs la seule personne éveillée pendant ce trajet aura été le chauffeur.
On partait en quête d’une belle expérience et d’une aventure festivalière qui sort des sentiers battus et on a été servis.
Château Perché, c’est un catalogue musical varié et qualitatif, sans aucune tête d’affiche, qui laisse une place totale à la découverte, et où on ne s’impose aucune contrainte horaire dictée par une timetable.
C’est un peu comme une immense garden-party pas super catholique pour jeunes adultes dans les jardins de la Reine de Cœur, avec les têtes coupées en moins : tout le monde est déguisé, tout le monde est maboule, tout le monde est plus ou moins torché.
C’est une scénographie soignée de A à Z, autant sur les scènes qu’alentour, avec un souci du détail permanent. C’est un cadre vraiment impressionnant et exploité avec brio.
C’est un souci d’éco responsabilité qui va loin et qui fait vraiment plaisir à voir, et auquel les festivaliers se prêtent totalement.
C’est une atmosphère teintée de respect et de bienveillance les uns envers les autres. Personne te fait chier, les filles sont à leur aise, tu peux te barrer 12 h sur le site en laissant tes chaises et ta table de camping au milieu de ton cercle de tentes, ta tente ouverte, tes affaires dehors, sans que rien ne bouge. Quand on est habitué au festival de Dour où t’as 1 chance sur 5 de rentrer cul nu chez toi, ça vaut son pesant d’or.
On nous a parlé de soucis d’organisation dans les campings 2 et 3, improvisés pour répondre à une affluence inattendue, mais on n’a pas vraiment pu en juger vu notre situation optimale. On a aussi été frappés par le nombre d’interventions des secouristes pour ramasser des perchés qui avaient pris le thème un peu trop au pied de la lettre. Et pourtant on n’est pas du genre petits prudes vite choqués. Mais cette gommette rouge sur le bulletin du festival ne l’empêche pas de passer le test haut la main.
En bref, cette petite sauterie gagne réellement à être connue pour tous les amateurs de fête assez libre et intense, et qui met réellement du baume au cœur à tout qui commence à se dire qu’il a fait le tour du sujet des festivals belges. Il ne reste plus qu’à espérer que cette douce philosophie ne se transformera pas en argument marketing, et que ce beau projet ne se changera pas progressivement en pompe à fric.
Château Perché : testé et approuvé !