Aloïse Sauvage : « je vais, comme sur un fil, tirer et raconter l’histoire que j’ai envie de raconter »

© Zenzel
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La veille de sa prestation aux Nuits Botanique, on a passé un peu de temps avec l’inqualifiable Aloïse Sauvage. Le soir du concert, elle prenait sur scène le relais de Johan Papaconstantino dont la présence en a réjoui plus d’un dans la salle, connaisseurs et profanes de son art.

De commun, ils ont le talent d’avoir créé des univers musicaux qui leur sont propres, teintés de leur personne. C’est seuls en scène qu’ils ont choisi de se produire. Sans surprise, c’est un spectacle digne de ceux devant lesquels on s’émerveille étant gosse que nous a offert Aloïse Sauvage. Rencontre.

Pour ce qui est de l’écriture, travailles-tu de manière introspective ou à travers l’échange ?

Introspective, moi seule. Je n’écris pas de manière très cadrée. J’écris au quotidien quand ça me vient. Et parfois il y a des choses qui m’accrochent et je vais, comme sur un fil, tirer et raconter l’histoire que j’ai envie de raconter. Parfois ce sont plus des bribes que j’accumule. Il y a une même émotion et j’en fais un patchwork, ça dépend du type de chanson. Le processus est assez récent pour moi, donc je le découvre en même temps que je le fais. Après, je n’ai pas de mal à écrire en studio, je peux aussi écrire en direct. Personne ne m’aide sur l’écriture et c’est de là que part mon envie de faire des chansons donc c’est très intime pour moi.

As-tu le désir d’apprendre des gens avec qui tu bosses ?

Ah ça ouais. J’adore bosser avec des gens. Je ne sais pas d’où ça me vient, mais j’aime vraiment le pouvoir du collectif. J’ai bossé beaucoup en compagnie comme je suis danseuse et circassienne et j’aime vraiment ça. J’ai une équipe, je n’aimerais pas être toute seule, c’est une expérience qui se partage. On parlait de l’écriture qui est assez intime, mais musicalement je partage parce que je compose avec des gars qui ont des talents que je n’ai absolument pas et parce que je ne sais pas tout faire. J’aime avoir leur retour. Quand on est en studio, je fais confiance aux personnes avec qui je bosse et il arrive souvent qu’ils me donnent des tips, je suis avide de conseils. Par contre je pense aussi devoir apprendre à me faire confiance. J’ai un instinct, j’ai un truc qui me guide et je dois lui faire confiance. C’est parfois le plus dur.

Dans la plupart des interviews, on te parle beaucoup de toi, mais peu de ta musique…

Bien sûr, tu as totalement raison. Merci ! J’en ai un peu souffert l’année dernière, là un peu moins avec l’EP, parce qu’il y a le live et du contenu à appréhender. Mais j’ai beaucoup souffert au départ à la sortie de mon premier son parce que je me disais qu’il y avait un engouement autour de moi parce que je suis « la meuf qui fait plein de trucs ». Mais si ça joue en ma faveur et que ça permet d’écouter ma musique, pourquoi pas en fait. Y’a des gens qui me connaissent du cinéma, ils vont écouter ma musique et venir me voir en concert, pourquoi pas. Mais en effet, j’ai envie qu’on s’intéresse à ma musique quand on parle de musique. Je ne peux pas non plus nier le fait que ça m’intéresse de parler de tout parce que c’est ce que je veux en faire. Je suis la première à vouloir qu’on ne me cloisonne pas. Ca ne me dérange pas de parler de cirque et de cinéma parce que quand je suis sur scène, je danse, bien sûr que mes clips sont liés à mes références au cinéma, bien sûr que si le micro est suspendu, c’est lié à mon imaginaire de cirque. Sur scène, je ne voulais pas de fils, je voulais une scène super simple parce que je viens du théâtre. On me demande presque plus souvent si j’arrive à gérer mon planning et à faire des choix plutôt que l’intérêt de ça. En France soit tu es chanteuse, soit tu es comédienne ou danseuse, il faut choisir.

Arrives-tu à être satisfaite de ton travail ?

J’apprends à l’être parce que ce n’est pas une vie de n’être jamais satisfait. Par contre j’ai du mal parce que je projette toujours ce qui vient après. C’est un peu la maladie contemporaine que de n’être jamais dans le présent. Quand tu as fait quelque chose, ça devient acté, ce n’est plus une première fois. On est dans la surenchère, et je le suis aussi à toujours vouloir faire mieux, faire plus, c’est dangereux. J’essaye de me dire quand je suis fière de moi. Souvent c’est compliqué parce que, vite, les choses ne t’appartiennent plus et il y a de la critique. J’ai envie de faire des choses dont je serai fière dans 10 ans même si j’avais la vingtaine, une capuche orange et que dans 10 ans je trouverai ça ridicule. Il faut assumer, ça aide à être responsable.

As-tu peur du silence et de l’inactivité ?

C’est la blague de tous mes proches : « Aloïse elle ne peut pas rester en place ». Mais quand tu charries, c’est souvent qu’il y a de la vérité. Peut-être qu’ils n’ont pas tort. Je ne pense pas avoir peur du silence. Je ne croyais pas avoir peur de la solitude. Mais je crois en avoir parfois peur alors qu’elle est complètement nécessaire. L’inactivité, j’en ai peur, je ne vais pas le nier. Je ne m’arrête pas souvent. C’est un truc sur lequel je travaille. Et puis l’homme est paradoxal… Je rêve d’avoir une vie saine et d’être heureuse. Dans mes valeurs, mon éducation… Je ne suis pas une meuf intéressée par la surface, le bling bling. Des fois être reconnu c’est cool on ne va pas se mentir, ça fait des petits shots de dopamine, mais ça m’effraye un peu. Moi j’ai envie d’acheter une maison à la montagne et de faire des randonnées. Et à côté de ça je suis incapable de m’arrêter. J’essaye d’équilibrer ça pour avoir une vie personnelle. Pour ne pas passer à côté de la vie.

Par le fait de toucher à autant de choses, tu n’as pas peur d’avoir tout « accompli » trop vite ?

C’est très drôle que tu poses cette question. Ça m’a fait ça à un moment. Cette année, avec l’arrivée de la musique, j’ai provoqué énormément de choses et j’ai survécu avec tout ça. Je me suis dit que j’avais ouvert les portes de tous les domaines que je voulais, et je me suis dit « et donc tu vois bien Aloïse que ça ne suffit pas ». Qu’est-ce que je fais de ça ? Sachant que c’est réellement ce qui me rend vivante. J’en suis au début et j’ai envie de progresser là dedans et maintenant je m’en rends compte, et tant mieux. Je veux remettre les choses à leur juste place et m’en réjouir. Et ne pas être dans la surenchère constante.

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